Identité nationale: l’arbre qui cache la forêt

Mon professeur de philosophie nous avait mis en garde: quand on parle trop d’une chose, se méfier. Cela signifie que l’on est en train de la supprimer ou qu’elle est déjà morte. Se méfier des « démocraties populaires » qui ne sont ni démocraties ni populaires, se méfier des régimes qui vantent la liberté de la presse, c’est qu’ils sont en train de la réduire, se méfier des gouvernements qui défendent subitement l’égalité des chances, c’est que les inégalités s’accroissent. Se méfier donc de ceux qui prétendent défendre l’identité nationale, c’est qu’ils sont en train de l’attaquer.

Le débat sur l’identité nationale est soudain venu s’inviter dans l’espace public, sans raisons apparentes. Pourquoi subitement lancer une telle consultation? Pour flatter un électorat conservateur? Pour récupérer quelques voix du Front National? Pour masquer d’autres sujets d’actualité plus compromettants? Pour préparer les Régionales? Sans doute un peu tout cela, mais surtout pour masquer le fait que le gouvernement passe son temps à s’attaquer à l’identité nationale.

Le danger ne vient pas ici de pauvres migrants mais du gouvernement lui-même qui s’ingénie à modifier l’esprit du droit français en supprimant le juge d’instruction, l’esprit des systèmes de solidarité, des services publics, les financements des collectivités locales avec la taxe professionnelle, l’architecture des institutions, etc. Sans sacraliser à l’excès un « modèle français » à bout de souffle qui a besoin d’un sérieux lifting, moderniser ou réformer nos institutions ne doit pas signifier détruire les logiques et les équilibres que les sous-tendent. C’est précisément cela qu’il faut masquer. Ce que vous faites, accusez vos adversaires de le faire, vieux principe stalinien.

A l’époque de la présidence de W. Bush, nous disions régulièrement à nos amis américains: comment pouvez-vous laisser faire cela? Comment pouvez-vous laisser bafouer ce qui fait les valeurs des Etats-Unis, leur image dans le monde: le respect des droits de l’Homme, le refus de la torture, la défense de la liberté?

Nos amis étrangers commencent à nous dire la même chose: comment pouvez vous laisser bafouer ce qui fait le rayonnement de la France? Le même mois, nous avons eu l’affaire de l’EPAD qui nous a fait apparaître comme une vulgaire république bannière, puis les sommes injustifiables dépensées par la France pour organiser un sommet euro-méditerranée pharaonique mais sans perspectives politiques cohérentes. A côté de cela nous avons renvoyé dans un pays en guerre, où nos propres troupes sont engagées, une dizaine de pauvres Afghans qui avaient tout pour mériter le statut de réfugiés. Où sont passées la liberté, l’égalité et la fraternité?

C’est très précisément cela, le destruction systématique de l’identité nationale par le gouvernement lui-même, que le débat a pour objectif de nous cacher. C’est donc très politique, mais pas seulement dans le sens gentiment électoraliste que l’on pouvait supposer.

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