C’est la rentrée: La double mission de l’école

bayrou_et_les_profsDifficile d’échapper en ce début de septembre au rituel des billets sur l’éducation. L’éducation est un sujet éminemment politique car elle est ce qui permet aux Françaises et aux Français de se projeter dans l’avenir à travers leurs enfants. Elle prépare ce que sera la France dans vingt ans. Si elle permet de se projeter dans un avenir meilleur, elle entraîne tout le pays à l’optimisme.

Je propose une série de billets pour tenter de comprendre les questions et les enjeux qui traversent l’école aujourd’hui. Le premier est consacré aux missions qu’une société lui donne. L’école a la double mission de construire un monde commun et d’assigner des places, ce qui ne va pas sans contradictions et sans tensions.

Comme l’ont justement souligné Marie Duru-Bellat et François Dubet dans Les sociétés et leur école, l’école a la double mission contradictoire de construire un monde commun, des valeurs et une culture partagées, mais aussi de développer les compétences et les connaissances des individus, et donc par là, de les différencier, pour, in fine, leur assigner des places dans la société.

Ces deux missions sont en tension, et selon l’équilibre qu’une société choisit, elle attribue à l’école un rôle très différent. Il n’y a pas d’école idéale ou d’école qui ne serait que dans une seule de ces missions, il y a des équilibres à trouver, avec des avantages et des inconvénients, et des cultures longues qui ne peuvent pas être ignorées.

Si c’est la construction d’un monde commun et la socialisation (éventuellement différenciée) qui sont privilégiées, l’école aura peu d’incidence sur les places attribuées dans la société, le poids de la réussite ou de l’échec scolaire ne pèsera pas sur les épaules des élèves qui s’y sentiront plus épanouis, mais, revers de la médaille, elle permettra peu de mobilité sociale à travers la réussite scolaire. C’est un peu le cas de l’école anglaise. En revanche, si l’accent est mis sur le tri des individus en fonction de leur réussite scolaire, l’école a le pouvoir de ré-attribuer les places et de rebattre les cartes, donc de lutter contre les inégalités, mais en contrepartie, elle devient facilement une machine à éliminer particulièrement anxiogène, ce qui est le cas de la France. Néanmoins, si elle ne garantit même plus l’égalité des chances entre les élèves et reproduit et légitime les inégalités, on obtient tous les inconvénients de tous les systèmes.

La priorité de l’école en France devrait être de remettre l’égalité des chances et la construction d’un monde commun au cœur de ses missions,  tout en conservant son rôle traditionnel d’ascenseur social à travers la méritocratie scolaire, qui reste porteur d’espoir dans notre pays. La meilleure preuve en est le progrès continu du niveau d’étude des Français, soulignée encore dernièrement par Hervé Le Bras et Emmanuel Todd dans Le mystère français.

Reste que si l’élévation du niveau d’étude est globalement une bonne chose dont il faut se réjouir, d’autant meilleure qu’elle se construit sur le long terme puisqu’il faut une vingtaine d’années pour produire un diplômé et qu’elle est une condition nécessaire du développement économique, elle produit aussi des effets qui obligent à repenser le rôle de l’éducation. En effet, si le tiers d’une classe d’âge est diplômée de l’enseignement supérieur, être diplômé ne représente plus la même chose qu’à l’époque où seulement 5% d’une classe d’âge l’étaient. Encore une fois, il y a des avantages et des inconvénients partout, la question est de trouver les bons équilibres!

L’inflation scolaire, si bien analysée par Marie Duru-Bellat (encore elle!), sera le sujet de notre prochain billet sur l’éducation.

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