Le Pen, martyr de la République?

Se présentera-t-il finalement? Faut-il remettre en cause la règle des parrainages? Quelles seraient les conséquences de son absence à la Présidentielle? La question préoccupe beaucoup les médias cette semaine, et sans doute les états majors UMP et PS qui se demandent si un coup de pouce discret serait ou non à leur avantage. Elle me semble mal posée, l’affaire des parrainages est l’arbre qui cache la forêt. Le scandale n’est pas de demander des signatures d’élus mais d’avoir organisé la vie politique de telle sorte que Le Pen, malgré un électorat réel, n’a pratiquement pas d’élus.

L’UMP peut bien jurer la main su le coeur qu’il faut lui permettre de se présenter si on veut éviter un cataclysme (lequel d’ailleurs?), à quoi sert de lui permettre de se présenter si tout est organisé ensuite pour l’empêcher d’avoir des députés ?

Je reviens aux questions de mon introduction:

Se présentera-t-il finalement, rencontre-t-il de vraies difficultés ou n’est-ce qu’un gigantesque bluff? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est que le sort de la candidature Le Pen (et celle des autres candidats sans élus) est entre les mains du PS et de l’UMP. On imagine facilement les élus UMP donnant leurs signatures aux Verts, à Arlette, à Besancenot, alors que les élus PS signent pour Lepage, Dupont-Aignan, Philippe de Villiers. Je suis d’ailleurs surprise que les Verts rencontrent tant de difficultés apparentes alors qu’ils ont un nombre d’élus relativement important. Visiblement, les socialistes veillent et exercent des pressions importantes à la subvention et à l’investiture, sans doute à travers les régions dont ils contrôlent 21 sur 22. De là à encourager les Verts à aller voir du côté de l’UDF… La stratégie trouvera peut-être ses limites. Elle épuise aussi les réserves de voix pour le second tour.

Faut-il changer la règle? Non, il est normal qu’une candidature à la présidentielle soit portée par un minimum d’élus. Que ferait un président sans parti? Où recruterait-il son premier ministre et son gouvernement? Certes, il peut inviter des personnes d’autres partis ou de la société civile, mais il lui faut un minimum d’expérience et de personnes capables et expérimentées qui représentent son parti. Le cas d’un député est très différent, on peut imaginer un individu isolé, connu dans sa circonscrption, mais un président est inimaginable sans une équipe et une expérience politique. Sans hésiter, la règle est bonne, on peut seulement lui reprocher de donner un poids exagéré aux petites communes.

Ce qui est aberrant n’est pas cette règle mais le fait que des personnalités politiques qui représentent un nombre significatif d’électeurs, qui ont fondé un vrai parti, n’ont pas d’élus (ou trop peu) à cause d’un mode de scrutin qui favorise les alliances au profit de l’UMP ou du PS. Certes il faut dégager des majorités, mais le prix payé, le déni de démocratie, est trop élevé. La proposition de réforme des modes de scrutin de l’UDF permettrait de sortir enfin de cette comédie des signatures, d’assurer une représentation normale au FN, et de mettre fin aux chantages à l’alliance que le PS et l’UMP exercent sur leurs « alliés ».

Des députés du FN, quelle horreur ! diront les belles âmes. Je réponds qu’il est préférable des les combattre à visage découvert à l’Assemblée au lieu de les voir jouer les martyrs ou les épouvantails à chaque élection. Cela les obligerait d’ailleurs à un minimum de travail et d’approfondissement des dossiers, alors qu’ils peuvent se laisser aller à tous les discours démagogiques et trompeurs aujourd’hui. Je réponds aussi qu’un pays n’est pas une démocratie si un parti qui arrive au deuxième tour n’a pas de représentant dans les chambres.

La proposition d’un scrutin où la moitiés des députés seraient élus comme d’habitude au scrutin uninominal à deux tours, et la moitié à la proportionnelle sur des listes, avec des représentatants au delà de 5% me parait nettement plus équilibrée. Elle assure une majorité, elle assure une personnalisation de la fonction, et elle assure aussi une représentation équitable. Cela marche en Allemagne, pourquoi pas en France? Ce n’est pas le retour à la 4e République que l’on nous agite comme un épouvantail, c’est la fin du jeu d’alliances de la 5e. D’ailleurs les difficultés de la 4e ne venaient pas seulement du mode de scrutin, mais surtout de la crise ouverte par la guerre d’Algérie.

Que se passe-t-il si Le Pen ne peut pas se présenter? Peut-être pas grand chose. Ses voix se reportent-elles ou disparaissent-elles dans l’abstention? Difficile à dire. Son score potentiel est difficile à estimer, car sa campagne n’a pas vraiment commencé. On peut supposer que son mauvais état de santé, son physique de vieillard, le peu de bénéfices tirés par le FN de sa présence au second tour (pas de députés ou de postes) ont fini par lasser les électeurs qui ont compris qu’il n’était pas une alternative crédible ou même un moyen de faire bouger les choses (même effet de déception avec le non au référedum). Mais d’un autre côté, qui sait? Il pourrait faire une campagne éclair dans la dernière ligne droite. A priori, Sarkozy serait gagnant car les voix se reporteraient plutôt sur lui, je ne crois pas tellement au contre-coup des législatives, les candidats FN pourront s’y présenter et l’UMP sait très bien ce qui se passe dans ces cas là. Au pire une triangulaire, mais si Sarkozy a gagné, la triangulaire penchera plutôt à droite à priori.

Curieusement l’intérêt objectif des électeurs de Le Pen, mais aussi des électeurs des « petits candidats » et de tous les partis autres que l’UMP et le PS, serait de voter Bayrou. Voter pour leur candidat conduit à une impasse et au renforcement d’un système dans lequel ils ne sont pas représentés: Le bénéficiaire du 21 avril est l’UMP, et dans une moindre mesure le PS qui en profite depuis pour étrangler ses alliés à gauche. Voter UMP ou PS a le même effet et tend à les gommer du paysage, à effacer leurs protestation. Voter Bayrou leur apporte la garantie d’avoir, en cas de score significatif, des élus à l’Assemblée, et donc de pouvoir faire entendre leurs arguments. Certes, ils n’adhèrent pas au reste du programme, ils ne peuvent pas espérer être associés, mais c’est mieux que le rien auquel les condamne le système actuel. De même les Verts auraient tout intérêt à tourner casaque avant d’être totalement phagocytés par leur protecteur le PS, ils y ont d’autant plus intérêt qu’eux peuvent espérer en plus une participation, comme l’a bien senti Cohn-Bendit.

Electeurs réfléchissez, où est le vrai vote utile?

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