Burqa: une autre loi était possible

Dans la ligne du pseudo débat sur l’identité nationale, plus ou moins instrumentalisé au service d’une communication destinée à diaboliser l’islam, après des heures de discussions sans vrai consensus, nos députés ont fini par adopter une loi pour interdire la burqa dans les lieux publics. Il existait une autre loi possible, qui aurait été en cohérence parfaite avec la Constitution et les valeurs de la République. Cette loi existe d’ailleurs en Italie depuis 1975.

Légiférer sur la burqa, c’est consacrer beaucoup d’énergie à quelques centaines de femmes en France quand il s’agirait de s’occuper de dossiers plus brulants: chômage, dette, crise économique, guerre en Afghanistan, sécurité sociale en péril, etc.

Est-ce bien la finalité d’une loi de décider comment il convient de s’habiller? Qu’il existe des règlements ou des arrêtés qui définissent les codes vestimentaires dans certains lieux, pourquoi pas, mais une loi nationale?

Les Eglises ont unanimement protesté contre la stigmatisation de l’islam et le caractère inapproprié d’une législation sur le vêtement qui relève de la vie privée et des libertés individuelles. Elles ont également souligné le risque d’isolement que la loi entrainerait.

A ce rythme, la législation peut continuer et interdire les monokinis sur les plages, les cagoules sur les tête des ados, les turbans, ou tout autre vêtement, ou bien à obliger certaines catégories de population à porter un signe distinctif. Nous connaissons quelques précédents. Stigmatiser une catégorie de la population et s’ingérer dans la vie privée est particulièrement malsain.

Ce genre de loi relève uniquement de la manipulation idéologique ou de la propagande. Dans les cas qui peuvent se justifier, des réglementations municipales existent déjà ou bien il suffit de punir les délits déjà inscrits dans la loi (pour la délinquance des mineurs, par exemple).

Faut-il pour autant accepter la burqa? Faut-il accepter les problèmes de sécurité liés à l’incapacité d’identifier une personne? Faut-il rester muet face aux pressions qui peuvent s’exercer sur les jeunes femmes qui choisissent de se voiler? Faut-il laisser prospérer un prosélytisme douteux? Ce ne sont pas pour ces valeurs intégristes que les Musulmans modérés sont en France, et ils seraient les premiers à lui reprocher de favoriser la propagande intégriste. Les femmes qui portent la burqa sont curieusement des converties, pour un quart d’entre elles, des femmes de moins de quarante ans, et plus souvent des françaises que des étrangères, si l’on en croit l’étude qui a été faite.

Une autre loi était possible, qui aurait été en cohérence parfaite avec la Constitution et les valeurs de la République. Elle m’a été suggérée par Kudrat Singh qui réfléchit à ces sujets depuis un certain temps.

L’une des valeurs de la République est la capacité donnée à chaque individu d’exprimer son identité personnelle, et par là sa liberté comme personne, et de reconnaître réciproquement l’identité de son interlocuteur. Il suffit donc donc de demander que le visage des personnes soit découvert de façon à permettre de les identifier, à moins d’empêchement médical — un blessé qui aurait le visage bandé par exemple.

Le critère a le mérite d’être relativement clair et opérationnel, et de ne stigmatiser aucune catégorie, de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles ou s’immiscer dans le domaine personnel de la religion ou des choix vestimentaires.

Une telle loi a fait ses preuves, elle existe en Italie depuis 1975. Elle interdit de se couvrir le visage dans les lieux publics, il n’y a que la Ligue du Nord qui demande de légiférer sur la burqa, pour les raisons idéologiques que l’on imagine. (Voir Le Monde du 28 janvier: Débat sur le voile intégral : où en sont nos voisins ?)

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