Saint-Germain-des-Prés: l’hémorragie continue

L’hémorragie continue: Le Seuil quitte la rue Jacob pour installer ses bureaux à Montrouge. Un éditeur de plus qui quitte le Quartier Latin. Seule consolation, comme plusieurs de ses confrères, il conservera une « vitrine » à Saint-Germain-des-Prés pour les signatures d’écrivains et les conférences de presse. On sauve la façade, mais le reste se passera ailleurs. Deux articles se sont émus de la chose: [un article d’Edouard Launet dans Libération|http://www.liberation.fr/culture/0101600620-pas-de-quartier-pour-les-editeurs] et un [article de Didier Jacob du Nouvel Obs|http://didier-jacob.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/11/03/il-n-y-aura-bientot-plus-d-editeurs-a-saint-germain-des-pres.html].

((/public/Images_billets/.saint-germain_m.jpg|Saint-Germain-des-pres|R|Saint-Germain-des-pres, nov. 2009)) Le Seuil déménage à Montrouge. Grasset, Fayard et P.O.L. font encore de la résistance, pour combien de temps? En 1989, Les Presses de la Cité ont quitté la rue Garancière pour l’avenue d’Italie. D’autres ont suivi: Hachette est désormais dans le 15e, quai de Grenelle, et Flammarion quai Panhard-et-Levassor dans le 13e, Robert Laffont est avenue Marceau. Dans le même temps, les PUF ont disparu pour laisser place à Delaveine. La fringue remplace le livre. Le Divan est devenu Dior, Magnard n’est plus une librairie ouverte jusqu’à minuit pour y feuilleter quelques livres avant une séance de cinéma à Odéon, c’est une parapharmacie ou un « Tati Or », et le Starbucks a remplacé la librairie médicale au bout de la rue de l’Ecole-de-Médecine. Nostalgie, nostalgie ? Pas seulement. Plusieurs choses sont en jeu: 1. L’atmosphère générale d’un quartier. S’il n’est plus qu’un quartier touristique qui vit sur son passé, la réplique du même quartier à Disney finira par satisfaire tout autant le touriste qui n’y viendra plus. 2. La créativité et la vitalité de l’édition française. Les éditeurs eux-mêmes ne s’y trompent pas et ont commencé à réinstaller des bureaux ou à conserver des « vitrines ». Un quartier d’affaire anonyme ne remplacera jamais complètement l’atmosphère du quartier latin. Les rencontres fortuites avec des auteurs, des créateurs ont plus de chances de se faire dans le jardin du Luxembourg qu’à la Plaine-Saint-Denis. Bref, l’écosystème est manifestement plus favorable. Espérons que l’on s’en apercevra avant de faire déménager l’EHESS ! 3. L’équilibre entre les activités économiques d’un quartier: En gros les activités du quartier latin se partagent en trois tiers. Un tiers de commerce et tourisme, un tiers d’enseignement supérieur et recherche, un tiers d’industrie culturelle. Si les universités et les éditeurs déménagent — ce qu’elles ont largement commencé à faire avec les annexes de la Sorbonne à Malesherbes et Clignancourt, d’Assas dans le 15e, le départ des Ponts-et-Chaussées vers Marne-la-Vallée, etc.) — il ne restera que le tourisme, ce qui modifiera profondément les équilibres du quartier. Une mono-activité tournée vers le tourisme est vouée au dépérissement car le tourisme ne présente d’intérêt que si le lieu a une ambiance, ambiance donnée par les autres activités, culturelles et universitaires. 4. L’idée de déménager les universités et les entreprises culturelles ne garantit pas leur pérennité. Chacun sait combien les universités hors de Paris sont moins attractives, personne ne sait si les éditeurs parviendront à recréer un environnement créatif. On sait que l’édition ou le cinéma peuvent mourir, est-il bien raisonnable de risquer des transplantations sauvages là où il n’y a pas de vraie nécessité ? Cela n’empêche pas de poursuivre le développement de nouveau quartiers, de nouveaux lieux de culture, ailleurs, mais est-il indispensable de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? 5. Environ le tiers des surfaces habitables du 6e appartient à l’État ou à des collectivités, sans compter le domaine privé de la Ville de Paris. N’y a-t-il pas là le levier d’une politique de maintien des activités universitaires et culturelles? Pourquoi transférer l’EHESS à Aubervilliers quand l’ancien immeuble d’EDF se libérait à quelques dizaines de mètres sur le même boulevard? Il n’y a aucune fatalité à ces évolutions, nous manquons simplement politiques d’aménagement et de volonté politique pour maintenir les activités publiques et inciter les entreprises à rester.

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