La méthode Robien met les enseignants dans la rue

methode_RobienGrande manifestation des enseignants le 20 janvier. Comment s’en étonner? Le plus surprenant est que la manifestation ne soit pas encore plus importante. Ce qui pouvait au départ passer pour de la maladresse apparaît de plus en plus clairement comme un traitement idéologique et une instrumentalisation de la question l’éducation par Gilles de Robien.

Vues depuis l’école, ses annonces sont étranges et en décalage avec la réalité, mais elles font mouche chez les parents. La méthode globale? Elle n’existait plus depuis vingt ans, et c’est méconnaitre complètement l’apprentissage de la lecture que d’imaginer des approches uniques. Le calcul mental? Il est évidemment déjà pratiqué, à quoi sert l’annonce si ce n’est à créer un soupçon? Le grand décret sur la formation des enseignants? Pour une grande part il reprend l’existant, mais là encore laisse entendre que ces dispositions de soi-disant « bon sens » n’auraient pas existé: stages dans les classes, formateurs qui sont aussi enseignants, appréciation du travail de terrain, etc. S’il n’y avait que ces soupçons désagréables, on pourrait encore rire de voir le ministre perpétuellement découvrir la roue et faire croire qu’il est le premier à l’inventer, malheureusement il ne se contente pas ces annonces, il prend des dispositions inapplicables qui sont en train de ruiner la formation des enseignants. L’idée générale qu’il suffirait qu’un futur prof des écoles soit projeté dans les classes pour y apprendre mieux que partout ailleurs son métier est une catastrophe: bien sûr le futur prof a besoin de s’exercer en prenant la responsabilité d’une classe, mais pas dans n’importe quelles conditions et sans formation préalable. En dehors de toute idéologie, il est manifeste dans les IUFM que les stagiaires de cette année sont bien plus nombreux à se trouver en difficulté dans leurs stages que les années passées, alors que le recrutement est similaire. Efficacité très douteuse de la mesure donc. Contradiction aussi avec les efforts annoncés en cours préparatoire: qui peut croire que confier les apprentis lecteurs à un futur enseignant totalement ignorant de l’apprentissage de la lecture (au début de l’année) pendant 20 à 25% du temps scolaire va améliorer la qualité du cours préparatoire? Cela améliore surtout le budget de l’éducation nationale en faisant gagner quelques postes, mais quel sera le véritable prix de ces économies? Combien risquent de coûter les enfants qui auront mal appris à lire à cause de ces économies à courte vue? L’échec manifeste de cette première série de mesures en primaire ne satisfait pas encore le ministre, il vient d’avoir une nouvelle idée géniale: le tuteur. Le futur prof sera suivi par un tuteur (comme c’est déjà le cas dans le secondaire). Seul problème: le texte officiel ne dit pas qui est ce tuteur, comment il est formé, rémunéré, et quel est son rôle. On devine seulement que ce n’est pas un prof de l’IUFM, ni même un « maître formateur » (enseignant reconnu pour la qualité de sa pratique et qui partage son service entre l’enseignement et la formation de ses futurs collègues), puisque le terrain est en soi un brevet d’excellence! Ce risque d’être nettement plus économique, mais aussi moins efficace: on reproduira les travers des enseignants actuels et l’évaluation finale dépendra surtout de la capatibilité d’humeur entre le tuteur et son stagiaire. Ajoutons à cela les suppressions de poste, incompréhensibles dans des académies comme Créteil et Versailles ou les classes sont difficiles, nombreuses, et la natalité forte. Vraiment, le ministre a tout fait pour mettre les enseignants dans la rue.

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