Adieu à l’Abbé député

L’hommage unanime à l’abbé Pierre est légitime, même si l’on peut regretter une tendance à la récupération politique. Oui, l’Abbé aura été une grande figure de ce siècle, capucin, résistant, député, combattant contre la misère, à la parole libre et forte, souvent vibrante d’indignation. La fondation d’Emmaüs et le combat contre la misère sont la partie la mieux connue de sa biographie. Le député, le résistant et le capucin le sont moins. Le résistant s’engage en 1942: maquis du Vercors, prise de conscience de la persécution antisémite, sauvetage et aide aux juifs et aux réfractaires au STO, arrêté par les Allemands en 44 il s’échappe en Espagne et rejoint la France Libre en Afrique du nord où il devient aumonier de la marine.

((/public/Images_billets/adieu_a_l_abbe.jpg|adieu_a_l_abbe.jpg|R|adieu_a_l_abbe.jpg, juil. 2009)) Rappelons que l’abbé a siégé aux deux assemblées nationales constituantes de 1945 et 1946 puis à l’assemblée nationale de 1946 à 1951 comme indépendant apparenté au groupe MRP créé par des résistants démocrates-chrétiens. S’il y a un parti qui peut légitimement saluer sa mémoire, c’est l’UDF, dont le MRP est l’un des lointains ancêtres, bien qu’il le quitte en 1950, en désaccord avec la politique sociale du MRP. C’est à lui parmi d’autres, à son expérience des horreurs de la guerre, que nous devons le retour du respect des droits humains fondamentaux dans la nouvelle République fondée en 1945. Même s’il n’est plus élu à partir de 1951, l’Abbé continue d’occuper l’espace politique et médiatique. Au sens noble du terme, il aura continué à faire de la politique tout le reste de sa vie. Le capucin nous rapelle que l’abbé fut aussi un contemplatif. Nous pouvons pleurer sur nous, qui ne le verrons plus dans ce monde, mais certainement pas sur lui, qui attendait visiblement le moment de son décès comme le commencement d’une nouvelle vie. Il est décédé, « decessit », il est parti, il a rendu son tablier, il est libre pour autre chose. Je note également qu’il a demandé une messe de funérailles en latin, souvenir de ses années de capucins, de l’abbaye de Saint-Wandrille où il vécut à la fin de sa vie? A Saint-Wandrille comme dans toutes les abbayes de la congrégation de Solesmes les offices sont dits en latin et en grégorien, selon l’ordo de Paul VI. Je ne dispose pas du détail de son testament, je ne sais pas s’il y demande une liturgie en latin (et laquelle) ou simplement le canon et des hymnes en latin, nous le saurons vendredi. Quoi qu’il en soit, il a cent fois raison d’apprécier les beautés de la liturgie en latin, et au moins, nul ne le soupçonnera de révisionnisme ou de crypto-fascisme. Ses états de service parlent en sa faveur, même après l’affaire Garaudy. Si cela pouvait contribuer à détendre les relations avec les catholiques traditionalistes, ce serait un effet colatéral inattendu mais bienvenu. Sa vie aura été une belle tentative de mettre en accord sa foi et son idéal avec ses actes, sans compromissions, et cette tentative l’a conduit, parmi d’autres engagmements, à l’engagement politique, engagement qui était accepté par l’Eglise de l’époque, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui (l’Eglise demande à ses prêtres de ne pas faire de politique, sauf cas exceptionnel). La grandeur du serviteur des pauvres ne doit pas nous faire oublier l’homme d’Eglise et l’homme politique.

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